Le p'tit Gavroche

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Lectures


On a lu et on a aimé : « Un député à... la ferme », de François Ruffin

Montreuil, le 28 juin 2018

 

Un des instigateurs de Nuit Debout, député de la France Insoumise, rédac' chef d'un journal « faché avec tout le monde ou presque »... Vue le pédigrée de l'auteur, on s'attendait à trouver sous sa plume une ode à la bio et au démantèlement de la grande distribution et au pretectionisme... Et on a trouvé de ça ! Mais on a trouvé beaucoup plus... Retour sur un livre qui va au-delà des postures idéologiques et des guerres de clocher. 

 

Ce que l'on apprécie d'abord, avec le style Ruffin, c'est qu'on devient quasi-instantanément spectateur direct de la scène : Ici, pas d'analyse pompeuse, de débriefing des paroles d'untel ou d'untel, ou de débriefing du défriefing, farcis de langage technocratique pour faire intelligent, et qui nous dit ce que l'on doit comprendre... Non, le parti-pris de l'auteur, c'est de donner la parole aux gens ! Et on trouve, tout au long du livre, de nombreux extraits de dialogues, on se retrouve face à l'agriculteur, au fermier, aux premières loges, comme si on y était... Alors, bien sûr, on se doute bien que les passages ont été selectionnés, mais quand même, ça fait un bien fou !

 

On a ensuite été surpris de la variété des profils des gens qui s'expriment dans ce livre. En effet, il aurait été facile d'aller uniquement à la rencontre de permaculteurs, pour conclure : « Vous voyez, ça marche ! ». Non, ici on passe du néorural reconverti à l'agriculture au cadre de la FNSEA, de l'ancien agriculteur bio qui s'est planté au gros éleveur de porcs bretons, de l'universitaire à la directrice d'association, du futur retraité au jeune qui s'installe... On va même jusqu'à plonger dans les couloirs de l'Assemblée Nationale, on se retrouve catapultés au milieu des commissions parlementaires...

 

Bref, on se balade à travers la France et ses campagnes, à la rencontre de ses habitants... On hoche frénétiquement la tête lorsqu'unetel incrimine Mulliez et le verrou de la grande distribution, on s'indigne lorsqu'on apprend qu'un éleveur vend son bétail au même prix qu'il y a trente ans, on s'énerve quand on lit un mec dire qu'il faut s'agrandir, toujours s'agrandir, pour rester compétitif sur le marché mondial... Et puis après on comprend... Alors bien sûr, c'est pas un témoignage qui va nous faire changer d'avis sur notre façon de voir les choses, mais ça permet d'écarter un peu les oeillères idéologiques...

 

De se dire qu'un mec qui gère son exploitation dans le style « tout mécanique », c'est pas juste un mec qui ne comprend plus rien à la nature et qui appuie sur des boutons. C'est aussi quelqu'un qui maitrise une technologie de pointe, et qui veille consciencieusement à se que tout se déroule bien pôur répondre aux éxigences de ses acheteurs.

 

De se dire qu'un éleveur qui fait du poulet hors-sol, c'est pas juste un tortionnaire sans âme, mais aussi une personne qui a réussi à sortir de la pauvreté comme ça, et qui se retrouve enfermé dans une spirale de recherche de la rentabilité sans fin...

 

Que le syndiqué à la FNSEA, c'est pas forcément un serviteur du capital et des usines phytopharmaceutiques... Mais qu'il existe une multitude de personnes à la FNSEA (212 000 pour être précis), qu'il y a des conflits internes, des branches dominantes qui dictent la loi, d'autres qui la subissent, que certains n'ont pas vraiment le choix d'adhérer à ce syndicat pour continuer à exercer... Bref, on réalise que de dire d'emblée « le mec syndiqué à la FNSEA c'est un capitaliste qui veut du poignon », c'est un peu comme dire « le Français c'est un macroniste qui veut le néolibéralisme »...

 

Bref, de sortir de toutes les caricatures qui montent, et qui s'imposent petit à petit dans le débat, dans une société où l'on a de plus en plus peur de ce que l'on mange, et où l'agriculteur devient souvent le premier suspect.

 

Et c'est là que Ruffin a réussi son pari : Parler, avec nuance, compréhension et honnêteté, d'un milieu que la « gauchosphère » connait mal, dont on parle souvent de manière manichéenne, à grands coups de clichés et d'à priori... Et on l'en remercie !

 

A.F

 


 

 


28/06/2018
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On a lu « Les raisins de la colère » de John Steinbeck

Montreuil, le 09 mai 2018

 

Les raisins de la colère, c'est l'histoire d'une famille de métayers durant la crise de 1929. L'histoire d'une famille plongée dans la misère et l'exil par le capitalisme, emportée par la modernité, balayée par la crise financière.

Ce sont les amitiés qui se créent et se défont au long de la route, et le regard de l'autre qui voit notre arrivée comme un danger pour sa propre survie.

 

C'est l'histoire de ce monde du tous contre tous où seulement les plus forts survivent. Mais c'est aussi l'histoire de la colère sourde qui monte chez les exploités, et de ce monde qui résiste malgré tout, celui des solidarités, de l'entraide, qui poussent les hommes à s'insurger contre l'injustice.

 

On a recueilli quelques extraits de ce chef d'oeuvre de la littérature américaine, en espérant vous donner envie de le lire. Et pour les flemards et les myopes, un très bon film en a été tiré :

 

« Y'a pas de péché, y'a pas de vertu. Y'a que ce que les gens font. Tout ça fait partie d'un tout. Et il y a des choses que les gens font qui sont belles et y'en a d'autres qui n'sont pas belles. C'est tout ce que les gens ont le droit d'en dire. »

 

« Ceux là se défendaient de prendre des responsabilités pour les banques ou les compagnies parce qu'ils étaient des hommes et des esclaves, tandis que les banques étaient à la fois des machines et des maitres. Il y avait des agents qui ressentaient quelque fierté d'être les esclaves de maitres si froids et si puissants. »

 

« Eh bien, tachez d'en trouver, de la liberté. Comme dit l'autre, ta liberté dépen du fric que t'as pour la payer. »

 

« Vous qui n'aimez pas les changement et craignez les révolutions, séparez ces deux hommes accroupis, faites-les se haïr, se craindre, se soupçonner. Voilà le germe de ce que vous craignez. Voilà le zygote. Car le "j'ai perdu ma terre" a changé : une cellule s'est partagée en deux et de ce partage nait la chose que vous haïssez : "nous avons perdu notre terre". C'est là qu'est le danger, car deux hommes ne sont pas si solitaires, si désemparés qu'un seul. Et de ce premier "nous" nait une chose plus redoutable : "j'ai encore un peu à manger" plus "je n'ai rien". Si ce problème se résout par "nous avons assez à manger", la chose est en route, le mouvement a une direction. Une multiplication maintenant, et cette terre, ce tracteur sont à nous. Les deux hommes accroupis dans le fossé, le petit feu, le lard qui mijote dans une marmite unique, les femmes muettes, au regard fixe, derrière, les enfants qui écoutent de toute leur âme les mots que leurs cerveaux ne peuvent pas comprendre. La nuit tombe. Le bébé a froid. Tenez, prenez cette couverture. Elle est en laine. C'était la couverture de ma mère... Prenez-la pour votre bébé. Voilà ce qu'il faut bombarder. C'est le commencement... du "je" au "nous". »

 

A.F

 

Les raisins de la colère, image du film


09/05/2018
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