Le p'tit Gavroche

Le p'tit Gavroche

La Forêt de la Corniche des Forts de Romainville


Pirouettes linguistiques et langage fleuri pour business reverdi

Romainville (93), le 15 novembre 2018

 

On a déjà tous eu affaire à cette belle langue fleurie du capital, qui arrive avec une facilité déconcertante à vider tous les mots de leur contenue pour parfois leur faire dire leur contraire...

On s'est habitués à entendre les différentes cotisations adoubées sous le nom de charges (les patronales, surtout...). Les usagers des services publics deviennent des clients, les manifestants grognent pendant que le gouvernement argumente, la contre-réforme devient réforme, le réfugié se mue en migrant,  on appelle gratuits des outils que l'on rémunère avec nos données personnelles... La liste est longue... L'écologie, loin d'avoir à être jalouse, a elle aussi son lot de mots vides... 

 

 

Petit cours de communication en développement durable avec le projet de base de loisir de Romainville.

 

A Romainville, en banlieue parisienne, la Forêt de la Corniche des Forts est menacée par un projet de base de loisir, dont les travaux doivent déboucher sur l'abattage de plus de 2 000 arbres (voir nos deux précédents articles ici et là). Mais le politicien (ici la Région Ile-de-France et la Mairie de Romainville) manie la langue de Molière à la perfection pour effectuer de magnifiques pirouettes, et faire passer des bulldozers pour de gentils lièvres gambadants... 

 

Tout commença en 2010, lorsque la Région Ile-de-France décida de renommer son projet de Base de Plein Air et de Loisirs. On vit tout à coup surgir, au large, ce projet d' "Ile de Loisirs". Entre Robinson Crusoé et Peter Pan, on s'y imaginait déjà ! Mais ce n'était pas assez pour les éternels râleurs et insatisfaits, qui ne trouvaient pas la future île assez verte. 

 

La Région décida alors de tenter une technique testée et approuvée par Copperfield lui même : proposer le même projet, mais avec des mots différents. Plus de solarium, tchouf, disparu, remplacé par une magnifique prairie. L'ancien sentier nord devient sentier forestier (plutôt clairsemé, on va dire). 

 

Les tours de passe-passe s'accumulent, et l'adhésion commence à se faire ! On nous promet une "forêt naturelle sanctuarisée". Le fait qu'elle ne bénéficie juridiquement d'aucune sanctuarisation ne compte pas, puisqu'on a écrit sur le beau panneau que si !

 

Ca y est, on y croit ! On est maintenant convaincus qu'un projet qui a obtenu une dérogation pour la destruction de 29 espèces protégées et de leur habitat est "une démarche respectueuse de la faune et de la flore". C'est écrit sur le site internet de la région, pardis !

 

Sont forts, ces green-washeurs ! 

 

 


16/11/2018
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A Romainville, arbres et humains résistent aux bulldozers

Romainville (93), le 13 novembre 2018

 

 

Malgré l'inquiétude et le manque de concertation dénoncé par les opposants, Valérie Pecresse, présidente du conseil régional d'Ile-de-France, avait décidé fin septembre de lancer les travaux pour la réalisation de la nouvelle base de loisir de la Corniche des Forts. Première étape : faire tomber plus de 2000 arbres de la forêt naturelle qui avait repris ses droits, et bétonner les sous-sols. C'était sans compter sur le collectif des "Amis de la Forêt de la Corniche des Forts" (AFCF) et leur détermination à résister et défendre ce patrimoine exceptionnel, digne d'Alice au Pays des Merveilles.  Retour sur un mois de luttes. 

 

L'urgence : stopper les travaux

 

Le 8 septembre, les tronçonneuses commencent à gronder dans la forêt. Le dimanche 13, une grande manifestation a lieu devant la forêt. Des membres du collectif AFCF, des élus (Danièle Simonet, Bastien Lachaux et d'autres...), des riverains forment une chaine humaine autour des grilles qui enferment l'ancienne carrière de gypse, reconvertie en forêt sauvage. (voir notre précédent article ici). 

 

la forêt, après passage des bulldozers

Très vite, la résistance se met en place. Tous les matins, à 7 heures, les militants se regroupent. L'arrêt des travaux est la priorité immédiate. S'ensuivent manifestations, intrusions sur le chantier pour stopper les machines. Après une semaine de lutte, d'évacuations par la police municipale, de montage de barricades, le chantier est suspendu. Première victoire pour les militants, mais à un prix fort : Une grande partie des arbres ont déjà été abbatues. Les machines se replient, laissant derrière elles un paysage de désolation. 

 

 

La criminalisation de la lutte 

 

La région attaque alors les militants sous une autre forme devenu classique dans les luttes écologiques, et dans les luttes en général : la criminalisation du militantisme. 

 

 Sept personnes sont convoquées au tribunal administratif de Montreuil le mercredi 7 novembre. La région les accuse d'occuper une propriété privée. Elle en profite également pour formuler une demande d'expulsion des occupants, donc l'intervention de la police nationale. 

La requête de la région est jugée irrecevable par le juge des référés, car le mouvement de contestation ne peut pas être qualifié d'occupation.

Une nouvelle déconvenue pour la région, et un peu d'optimisme pour les militants. Mais qui ne doit pas faire oublier la réalité : La police a toujours la possibilité d'interpeller les militants pour intrusion sur une propriété privée. 

 

Deux militants ont d'ailleurs été convoqués pour être entendue par la police le jeudi 8 novembre. Aucun doute que la guerre d'usure judiciaire ne fait que commencer. 

 

Un chantier "à la Marseillaise ?"

 

Les deux déconvenues subies par les promoteurs du projet n'ont en rien freiné leur détermination à voir aboutir le chantier. 

 

La région a d'ailleurs reçu le permis d'aménager le 5 novembre dernier, et a décidé de reprendre les travaux le 7 décembre. Un mois de répis pour les militants ? Pas vraiment, pas du tout d'ailleurs. La région vient de commander à l'entreprise chargée du chantier la réalisation d'une cloture de 1,6 km de long, pour la modique somme de 100 000 €. Il semble que l'on se dirige vers un scénario "à la Marseillaise", en référence aux militants de la Plaine de Marseille, qui ontvu pousser, début novembre,un mur de 400 000 € autour du chantier de destruction qu'ils combattent (voir article ici). Bienvenue en Absurdistan ! 

 

Une mobilisation grandissante

 

La Région semble donc continuer à vouloir passer en force. C'est pourtant faire fi de la mobilisation grandissante. En effet, depuis un mois, le groupe de militants s'est élargit, se constituant comme un groupe de résistance protégeant une véritable Zone à Défendre. Les riverains sont de plus en plus nombreux à être au courant du mouvement, les messages de soutien d'autres mouvements de résistence se multiplient, ainsi que les messages de soutien d'élus et de personnalités (vous retrouverez ici le message de soutien de Peter Wohlleben, ingénieur forestier et auteur de "La vie secrète des arbres"). La pétition compte aujourd'hui plus de 22 000 signatures. Les articles de presse et apparitions dans des émissions de radio se multiplient. 

 

La mobilisation arrive donc à une étape charnière : alors que la région continue à rejeter la demande de moratoire proposée par les AFCF, et à s'entêter dans sa stratégie du bulldozer, en niant le bien fondé de la mobilisation, en la criminalisant et en se coupant de la population par l'édification d'un mur (démocratie, quand tu nous tiens...), il est de plus en plus essentiel de soutenir ceux qui militent pour préserver un îlot de biodiversité au sein de la région la plus urbaine de France. 

 

 

 AUX ARBRES !

 


13/11/2018
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A Romainville, la déforestation frappe jusqu'en banlieue parisienne.

Romainville (93), le mercredi 17 octobre 2018

 

Ici, pas d'Orang-Outang qui se bat désespérément contre un bulldozer. La scène ne se passe pas en Indonésie, mais à deux pas de Paris...

Ce matin, à sept heures, plusieurs dizaines de personnes se sont données rendez-vous devant la forêt de la Corniche des Forts, pour protéger l'un des rares derniers espaces verts sauvages franciliens des bulldozers. Motivé, le groupe de militants aura réussi à faire cesser les machines pendant près d'une heure. Avant d'être évacué par la police...

 

Dimanche dernier, c'étaient près de 400 personnes qui s'étaient réunis pour manifester leur opposition, mais surtout leur incompréhension face à un projet d'un autre temps.

 

La forêt de la Corniche des Forts pousse sur une ancienne carrière de gypse depuis maintenant plus de 60 ans. En pleine zone urbaine densément peuplée, à 2 km de Paris, ces 27 hectares de nature ont pu s'épanouir sans l'intervention des aménageurs. Résultat, une biodiversité remarquable, unique en Ile-de-France, et un paysage sorti "tout droit d'Alice au Pays des Merveilles", comme le déclarent certains chanceux qui ont pu s'y balader.

 

Chanceux, car la forêt est fermée au public. A cause des nombreuses galeries creusées sous terre pendant l'exploitation de la carrière, le sol est devenu très instable, et les risques d'effondrement son réels.

 

Laisser un petit coin de terre tranquille, sans qu'on puisse l'exploiter et en tirer un profit ? Pour la région Ile-de-France, cela semble inimaginable. A donc mûri, depuis près de 20 ans, un projet de base de loisir, à la place d'une partie de la forêt... Le programme est beau : accrobranche, solarium, mur d'escalade, éco-paturage, et même un poney club ! 

 

Sauf que voilà, pour installer tout ça, il va falloir faire de la place, et sécuriser les sous sols. Comment ? En rasant près de 2000 arbres, et en comblant les galeries avec du béton...

 

Une semaine après la parution du dernier rapport  alarmant du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), et deux jours après les inondations dans l'Aude, dont la gravité a été fortement augmentée par l'artificialisation des sols, et qui ont fait au moins 14 morts... Un projet indécent, d'un autre temps...

 

Le rhétorique des promoteurs de ce projet est simple et bien huilé : Permettre aux habitants du quartier, et en premier lieux ceux des quartiers défavorisés, d'avoir une base de loisir proche de chez eux, de pouvoir profiter d'un coin de nature, sans aller jusqu'au Bois de Vincennes.

 

Quid de la chaleur qui ne pourra pas être captée par les arbres pendant les canicules à répétition qui nous attendent ? Quid de l'artificialisation des sols, qui rend les villes plus vulnérables aux inondations ? A croire que les habitants du 93 ne craignent ni la chaleur ni l'eau. 

 

 

Quid de la défense de la biodiversité ? Car, derrière leur beau projet d'éco-paturage aux biquettes gambadantes, ce que les promotteurs du projet oublient de signaler, c'est qu'ils ont obtenu de la préfecture une dérogation pour la destruction d'espèces protégées, déjà présentes sur le site... 

 

Et quid de ces belles résidences en construction autour du parc, qui promettent déjà sur leurs site internet de "vivre face à un parc en centre-ville", comme le projet Villa Natura ? Le beau projet social n'aurait-il pas une petite odeur de gros sous ? De gentrification ?

 

Enfin, quid de tous les projets alternatifs, sur lesquels des architectes et étudiants en architecture ont travaillé, cherchant a concilier découverte de la biodiversité et préservation de la forêt ? Et du prjet alteratif proposé en 2014 par des élus écologistes ? En effet, nombreux sont ceux qui dénoncent l'opacité de la démarche et le manque de concertation, des riverains et des associations.

 

 

 

C'est d'ailleurs ce que demandent les militants du collectif des Amis de la Forêt de la Corniche des Forts : l'arrêt immédiat des travaux et un moratoire, ainsi qu'une réunion de toutes les parties prenantes, pour enfin ouvrir une discussion démocratique, alors que des dizaines d'arbres sont déjà tombés...

 

 

La forêt de la Corniche des Forts, Romainville


18/10/2018
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