Le p'tit Gavroche

Le p'tit Gavroche

Discussions


La bibliothèque universitaire, nouvel outil productiviste ?

Paris, le 15 novembre 2018

 

"Allez, on se donne une heure pour préparer la grille d'entretien !"

 

Entre deux cours, on se motive entre nous pour s'avancer sur le boulot qu'on a à faire pour la semaine prochaine. Direction la bibliothèque de la fac.

 

"Vous êtes combien ?" nous demande la dame à l'accueil. On est un peu surpris par cette demande. C'est bien la première fois qu'on entend cette question dans la bouche de quelqu'un d'autre qu'un videur de boite...

 

"Euh, on est quatre... Pourquoi, il y a plus de place ?

- Non c'est pas ça, mais maintenant, ils nous demandent de compter les élèves qui viennent étudier à la bibliothèque.

- Et, c'est pour quoi faire ?

- Ils veulent savoir quelles sont les heures creuses, pour pouvoir adapter les horaires d'ouverture de la bibliothèque aux besoins réels.

- Ah bon... Mais, elle est déjà pas tant ouverte que ça la bibli (de 8h30 à 18h en semaine, et de 9h à 13h le samedi)...Pourquoi ils vous font faire ça.

- Oh bah on sait pas trop...

- Pour faire des économies, non ? En gros on vous demande de faire pareil, voire plus, avec moins de moyens ?

- C'est vous qui le dite. Je vous ai rien dit, moi..." (sourire)

 

Bon, bah nous on va se poser la question, et on va aller creuser, parce que les bibliothèques universitaires se mettent au productivisme, on est pas sortis du sable...

 

 

 


16/11/2018
0 Poster un commentaire

Tribulations d'un Thaïlandais dans les cuisines parisiennes

Paris, le 28 septembre 2018

 

"- Ca fait plaisir de te voir Ploy* ! Ca fait vraiment longtemps !"

La quarantaine et toujours le sourire, Ploy est arrivé de Thaïlande il y a dix ans. Originaire de la campagne au Nord de Bangkok, il était venu chercher du travail à Paris, pour pouvoir vivre, et pour aider sa mère, restée là-bas. Il avait pu compter sur la solidarité de la communauté thaï de Paris à son arrivée, et trouver du travail comme cuisinier dans un restaurant.

 

C'est là-bas que je l'avais rencontré. Lui, à la cuisine, pour survivre, moi, livreur, pour financer mes études. On a travaillé quatre ans ensemble.

A l'époque, il était sans papiers, et travaillait au black. Je me souviens qu'il était toujours au restaurant. Il avait certainement pas des semaines de 35 heures. Mais il était toujours au tacquet, toujours souriant, surtout avec nous, l'équipe de livreurs. Il venait tout le temps discuter, malgré un Français plus qu'approximatif, rigoler à nos blagues, même si je suis sûr qu'il n'en comprenait pas les trois quarts. Toujours à nous faire gouter des plats thaïs, à nous en préparer pour nous, et pour notre famille. Il vrnait souvent faire la fête avec nous après le travail, et insistait poutr nous payer des verres, malgré son salaire de misère. On refusait souvent, acceptait parfois, pour lui faire plaisir, et aussi, je dois l'avouer, en profitant de sa gentillesse. Il avait l'air super content de trainer avec des Français...

 

Je me souviens aussi le voir regarder autour de lui quand on marchait dans la rue en faisant du bruit, et partir dès que l'ambiance était agitée, tout simplement par peur de se faire controler et ramasser par les flics. 

 

Et de sa joie quand il a enfin obtenu son titre de séjour, après plus de cinq ans en France, à travailler. L'été suivant, il était partit en vacances dans le Sud de la France, profitant de sa nouvelle liberté. 

 

Et puis il nous parlait de la Thaïlande : "Je vais enfin pouvoir rentrer chez moi ! On pourra y aller ensemble, je vous invite tous à la maison !" Et de nous avouer : " Moi, je veux pas y retourner tout seul. Là-bas, en dix ans, tout le monde est parti travailler en ville, je connais plus personne..." Un étranger dans son propre pays. 

 

Je le revois, quatre ans après. Finis les problèmes de papiers, le travail au black, la peur de se faire chopper... Maintenant, on parle boulot, vacances, salaires et conditions de travail. on parle aussi du bon vieux temps au restaurant.

 

" - Maintenant, c'est moins bien. Les livreurs, c'est des Deliveroo. Ils parlent jamais avec nous, pas le temps. Avant, quand on travaillait ensemble, c'était comme une famille. Maintenant, je viens pour travailler, et au revoir. En plus, le patron, avec Deliveroo, il gagne beaucoup plus d'argent, mais il augmente pas nos salaires. C'est pour ça que Malee* (la chef de la cuisine, qui était au restaurant depuis le début), elle est partie, elle en a eu marre !

- Tu gagnes combien ?

- 1800 euros..."

 

Après plus de dix ans d'ancienneté et des semaines à 60 heures, c'est sûr que ça fait léger...

 

" - Et tu lui as demandé une augmentation, au patron ?

- Oui, mais il m'a dit non. Il dit qu'il a pas d'argent. Lui il préfère embaucher des nouveaux qui viennent de Thaïlande...

- Des sans papiers, comme toi avant ..? Ca coûte moins cher.

- C'est ça. Mais moi je vais partir, je cherche du travail ailleurs. J'en ai marre d'être mal payé !"

 

C'est peut-être ça, la fameuse intégration/assimilation. Laisser des gens trimer, galérer et vivre avec la peur au ventre pendant des années, avant de finalement leur octroyer le droit de devenir comme la plupart des gens, le droit de se tuer la santé pour un travail sous payé...

 

T.J

 

* les prénoms ont été modifiés

 


02/10/2018
0 Poster un commentaire

Naturalia, le bio pas jojo

Paris, le 7 septembre 2018

 

"-Alors, t'es toujours chez Naturalia ?" Ca faisait un bout de temps que j'avais pas vu mon pot Wilson. On  avait bossé ensemble au KFC il y a 6 ans, pour payer nos études. Lui avait fini par lacher les siennes pour pouvoir travailler à plein temps et gagner plus d'argent. Après quelques années, il était parti travailler chez Naturalia.

 

" - Bah ouais, toujours mec.

 

- Et alors, ça se passe bien ? T'en es où ?

 

- Ca se passe tranquillement. Toujours responsable-adjoint de magasin.

 

- Mais ça fait longtemps que t'es à ce poste maintenant, non ? Il y a pas moyen que tu passes responsable, ou quelque chose comme ça ?

 

- T'es ouf, j'ai pas envie de perdre mes derniers cheveux ! C'est un poste de merde, responsable de magasin, t'as une pression de dingue sur les épaules.

- Comment ça ?

 

- Chez Naturalia, ils gèrent les effectifs n'importe comment. Dans des magasins où il faudrait 5 ou 6 personnes, ils mettent 2 ou 3 employés. T'imagines, il suffit qu'il y en ait 1 qui soit absent ou malade, et t'es foutu. Moi, ça m'arrive de faire des ouvertures de magasin tout seul !

 

- Mais comment ça se fait que vous soyez tout le temps en sous-effectif ?

 

- C'est pour faire des économies. Naturalia, c'est des capitalistes mec. Ils en ont rien à foutre de l'ambiance au travail, du confort etc... Faut juste que ça rapporte. Il y a un turnover de dingue, des mecs qui démissionnent, qui craquent à cause de la pression. Ca arrive déjà beaucoup chez les simples vendeurs, alors imagine chez les responsables de magasin, c'est encore pire...

Tu vois, moi, à partir de la semaine prochaine, je commence à bosser dans un autre magasin, à l'autre bout de Paris. Bah pense pas qu'ils m'aient demandé mon avis...

 

- Ah ouais, dur !

 

- Ouais, surtout qu'avant, je travaillais juste à côté de chez moi. C'est pour ça, j'te dis, responsable, tout ça, c'est mort. Je préfère rester à ma place, même si du coup, je gagne un petit salaire et que je peux pas mettre d'oseille de côté...

 

T.J

 

PS : Pour mémoire, Naturalia, qui milite sur son site internet pour "la Bio engagée, gourma,nde et joyeuse de demain", appartient au groupe Casino depuis 2008..

 


15/09/2018
0 Poster un commentaire

L'or vert de l'Ile-de-France en héritage

Méréville (91), le 20 juin 2018

 

Aujourd'hui, grand beau temps, grand soleil ! Un temps parfait, en bon Parisien qui aime la nature mais pas trop, pour quitter un peu le bitume et se mettre au vert. Et hop, à soixante bornes de Paris, on arrive à Méréville, la ville du cresson ! Et on a rencontré des représentants de rêve pour l'or vert d'Ile-de-France.  

 

Dans la famille Barberon, je donnez-moi le fils. Gatien a 25 ans. Depuis maintenant cinq ans, il travaille sur la cressonnière de Saint Eloi. Mais c'est pas comme si il avait découvert la culture du cresson par hasard... Il est même un peu tombé dedans étant petit. En effet, dans la famille, trois autres personnes produisent du cresson : le père, la mère, et le frère. Avec une particularité : chez eux, tout est bio !

 

 

La cressonnière est située exactement à la frontière entre l'Essonne et le Loiret, mais côté Essonne. Et ça a son importance, comme nous l'explique Serge, le papa : « Ici, en Essone, on a des subventions pour le bio, alors que dans le Loiret, rien du tout. C'est pas grand chose, mais ça aide... Déjà qu'on nous a enlevé les aides de la PAC (Politique Agricole Commune)... Il faut minimum une exploitation d'un hectare pour toucher ces aides. La cressonière de Gatien fait 35 ares. Un hectare de cresson, bonjour le boulot ! »

 

En effet, c'est pas avec le cresson qu'on fait fortune le plus facilement. Ghislaine, la maman, nous le confirme : « On n'est pas pauvre, mais on gagne pas des milles et des cents non plus. Et puis on travaille tous les jours, sans vacances. C'est aussi pour ça qu'on s'est lancé dans la transformation, pour gagner un peu plus. »

 

Bon, si on fait pas pousser du cresson pour le pognon, il faut bien trouver une autre source de motivation :

 

Chez Gatien, le cresson, c'est vraiment une passion. Tous les jours de la semaine au travail sur son exploitation, il rêve d'acheter la maison d'à côté pour être au plus près de sa cressonière. En plus de distribuer son cresson bio en magasin Biocoop, auprès de 6 AMAPs, et chez les transformateurs du coin, Gatien part sur les routes de France pour faire connaître son produit. Avec des résultats plus ou moins probants : « A Cognac, j'ai tout vendu, ça a super bien marché. Pareil en Champagne. Par contre, en Camargue, j'ai rien vendu. Les gens connaissent pas le cresson. J'ai dû jeter toutes les bottes que j'avais transporté. Je n'y retournerai plus, c'est vraiment loin ! »

 

 

Gatien n'a pas de diplôme, à part le brevet des collèges. Inscrit au lycée, il n'a finalement pas obtenu le bac. « Comme il était en filière professionnelle, ils n'ont même pas voulu qu'il prenne une option langue des signe. C'est dégueulasse ! » nous raconte sa mère, encore remontée par cette injustice (Gatien est sourd-muet de naissance). Mais le jeune homme nous l'avoue aussi franchement : l'école, ça le faisait un peu chier... Ce qu'il sait, il l'a appris sur le tas, ou plutôt sur la cressonière, depuis tout gamin avec son père. Et pourtant... Aujourd'hui, il a pris la place du professeur : Il anime des formations à la culture du cresson.

 

Le jeune homme a également des projets plein la tête. Il aimerait se lancer dans la vente directe, et pense déjà à une manière de réaménager son batiment pour que ce soit possible.

 

 

La famille transforme déjà le cresson : en soupe, en potage, en pâté végétal, en vinaigre, et même en apéritif (on a gouté, on vous le conseille vivement). Gatien, lui, veut innover : des images de ketchup au cresson, moutarde au cresson, et même de bière au cresson lui trottent dans la tête. Et quand on lui demande si il sait faire de la bière, il nous répond, tranquillement : « Non, mais je vais apprendre. Il y a déjà des gens qui font de la bière au cresson en Belgique, on est allés les voir. Moi, je veux être le premier à faire ça en France ! »

 

On a hâte de goûter... Et avec des ambassadeurs comme Gatien et sa famille, le cresson de Méréville a de beaux jours devant lui !

 

A.F


 

 


22/06/2018
0 Poster un commentaire

A Milly-la-Forêt, les agriculteurs bio poussent comme des champignons !

Milly-la-Forêt (91), le 19 juin 2018

 

En balade dans le parc du Gatinais français, on est allé jeter un oeil à la Plaine de Milly, endroit dans lequel il se passe un phénomène rare en Ile-de-France : Six exploitants agricoles travaillent en bon voisinage, en agriculture biologique dans des exploitations à taille humaine. On y trouve des fruits, légumes, céréales, herbes aromatiques, oeufs, volailles... De quoi faire la joie des membres des AMAPs (Association pour le Maintient d'une Agriculture Paysanne) du coin. On a discuté avec Victor, la petite trentaine, installé depuis près d'un an en maraichage sur une ferme de 5 hectares. 

 

La clope au bec, et malgré un emploi du temps chargé (il doit livrer une AMAP en fin de journée), Victor prend le temps de nous faire visiter sa ferme, et de nous parler de son métier. 

 

 

"En ce moment, les haricots verts poussent super vite, je dois récolter tous les deux jours. Du coup, mes AMAPiens ont plein de haricots dans leurs paniers ! Au début de l'année, on produisait énormément. Du coup, les paniers d'AMAPs étaient hyper garnis. Je les avais prévenu qu'il fallait profiter, parce que peut être que plus tard dans l'année, la récolte allait être moins bonne. Mais finalement ça n'a pas eu lieu. Donc il y a plusieurs AMAPiens qui sont passés à un abonnement demi-panier, parce qu'ils arrivaient pas à tout manger !

 

- Peu importe combien tu produis, tu donnes tout à tes AMAPiens, même si il y en a trop ?

 

- Bah pour moi c'est comme ça que je vois les choses. C'est ça la solidarité d'une AMAP, c'est que lorsque la récolte est bonne, les AMAPiens ont plus, mais qu'en cas de mauvaise récolte, ils acceptent d'avoir moins. Mais là c'est vrai que je commence à me demander parce que parfois, il y a vraiment trop...

 

- Et tu n'as pas pensé à travailler avec d'autres AMAPs ?

 

- Le problème c'est que ça prend du temps : il faut aller livrer, ça prends toute une soirée. Déjà, avec deux AMAPs, ça me fait 2 soirées par semaine. On travaille aussi avec une petite AMAP pas loin d'ici, mais comme il s'agit que de quelques paniers, ma femme peut aller les livrer avec la camionette, et je peux rester à la ferme. Le mieux pour moi, ça serait que les AMAPs avec lesquelles je travaille grossissent un peu..."

 

Victor produit trop ! Des problèmes de riche, on se dit ! A l'aise ! En fait, c'est un peu plus compliqué que ça...

 

 

"Au mois de mai, il a fait super beau, et comme ici, on n'a pas de problème d'eau, c'était parfait pour nous. Mais là, en juin, avec toute la pluie qui est tombée et les 25°C, c'est le pire pour le développement des maladies. En ce moment, on n'arrête pas de balancer des salades, parce que le coeur pourrit."

 

On passe devant ses plants de tomate.

 

"Au début, ça poussait super bien... Mais là, depuis quelques temps, ça stagne... En plus, avec l'humidité et la chaleur de ces derniers jours, le mildiou commence à les atttaquer. Du coup, je coupe les feuilles, en bas, pour que l'air puisse circuler. Je mets aussi du cuivre. Je traite jamais en préventif, normalement, mais là, tous les voyants étaient au rouge."

 

Changement de sujet. On commence à discuter de l'organisation d'un événement qui aura lieu sur la ferme d'à côté au mois du septembre. (attention, article à venir !)

 

"J'ai pas pu aller à la dernière réunion. On vient de repiquer des oignons, et du coup je devais absolument arroser le soir."

 

Victor ne travaille pas en 35 heures, et ne quitte pas le champ à 17H30 pétante... Maraicher, et encore plus en bio, c'est un boulot  plus qu'à plein temps. D'ailleurs, pour toujours être sur place, lui et sa femme, qui l'aide sur la ferme, habitent pour l'instant dans un mobil-home situé sur l'exploitation. Ils attendent le permis de construire, pour pouvoir aménager une partie de la grange en habitation.

 

 

C'est vrai qu'en voyant tous ces fruits et légumes bien propres, bien formés et bien luisants sur les étals de nos supermarchés, on oublie souvent que derrière, il y a des agriculteurs, qui bossent dur, avec passion et sans compter leurs heures. Et qu'ils sont à la merci des aléas climatiques. Victor à une chance , lui, c'est qu'il n'est pas à la merci de la grande distribution et de leurs pratiques moyennement solidaires...

 

Les légumes ne se jettent pas tous seuls dans nos caddies, et parfois, c'est cool d'aller vérifier de temps en temps pour s'en rappeler !

 


22/06/2018
0 Poster un commentaire


Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser